le 7 octobre, Israël a connu le même jour son 11 septembre, son Bataclan et le pogrom le plus meurtrier de l’Histoire depuis la deuxième guerre mondiale.
L’attaque du Hamas a profondément traumatisé Israël ; elle a interrompu le rapprochement en cours entre l’état hébreu et l’Arabie Saoudite et a provoqué en retour un bain de sang à Gaza : le Hamas a atteint ses objectifs au delà de toutes ses espérances.
Évacuons tout de suite le débat sur la nature de cette organisation. Il est clair que l’attaque du 7 octobre est une action terroriste ; qualifier pour autant son auteur de « terroriste » n’a pas beaucoup de sens : le terrorisme est un mode d’action, pas une fin en soi.
Une chose est sûre, en tout cas : le Hamas n’est pas un mouvement de résistance. Si c’était le cas, le 7 octobre, il se serait borné à attaquer des cibles militaires. Il aurait alors acquis une légitimité incontestable, provoqué l’effondrement du gouvernement israélien et remis le règlement du conflit israélo-palestinien en tête des agendas arabes et occidentaux ; il aurait réussi un coup de maître. Mais voilà : il a préféré tuer des juifs …
Le Hamas n’a que faire de la création d’un état palestinien viable, indépendant et démocratique. Depuis les accords d’Oslo en 1993, il n’a de cesse de s’opposer à toute solution politique en Palestine.
Le Hamas n’est pas un mouvement de résistance : c’est une organisation islamiste dont l’objectif est d’établir la charia « du Jourdain à la mer », d’où sa volonté de détruire Israël et de chasser les juifs de Palestine. Il n’a d’ailleurs jamais fait mystère de cet objectif : sa charte est un tissu de délires antisémites.
Le 7 octobre, le Hamas s’est livré sciemment à des atrocités pour provoquer un massacre en retour ; avec Netanyahou au pouvoir, il savait pertinemment quelle serait la réponse d’Israël … Il a enclenché une spirale de terreur en Palestine pour ériger un mur de haine entre israéliens et palestiniens ; il s’inscrit dans une logique de guerre de civilisation : arabes contre juifs, islam contre Occident.
Il n’a bien sûr pas agi seul. Sauf à considérer que Netanyahou s’est fait refiler un grillage à poules en guise de barrière sécurisée (ce qui constituerait l’arnaque du siècle), il parait évident que le Hamas a bénéficié de l’aide matérielle, technique, de ses principaux soutiens internationaux, l’Iran et la Russie.
Il suffit de regarder à qui profite le crime : en torpillant les accords d’Abraham, le Hamas a brisé l’encerclement qui menaçait l’Iran. En ouvrant un nouveau front au Moyen-Orient, il a détourné l’attention des occidentaux du conflit ukrainien et, en provoquant une réaction bestiale d’Israël, il a contribué à alimenter l’hostilité du « Sud Global » contre les occidentaux alliés de l’état hébreu. Le Hamas est « l’idiot utile » des ayatollahs et de Poutine.
C’est cependant en Israël qu’il faut chercher les principaux responsables du désastre. Le massacre du 7 octobre est le résultat de la politique de Netanyahou et de ses alliés d’extrême droite (1).
Depuis son retour au pouvoir en 2009, Netanyahou « joue » le Hamas contre l’Autorité Palestinienne de Mahmoud Abbas, avec deux objectifs :
– affaiblir l’Autorité Palestinienne pour faciliter la colonisation de la Cisjordanie et rendre inaudible les palestiniens au niveau international,
– disposer à Gaza d’un ennemi avec lequel aucun dialogue n’est possible, pour justifier en retour sa propre intransigeance.
Il est allé jusqu’à aider le Hamas en sous-main : ce sont les services secrets israéliens qui réceptionnaient et convoyaient jusqu’à Gaza les 30 millions de dollars que versait le Qatar tous les mois au Hamas pour financer son administration.
Cette politique a contribué à jeter les palestiniens dans les bras du Hamas.
Ce faisant, Netanyahou à commis une erreur stratégique monumentale : il a cru que le Hamas se contenterait de gérer Gaza. Le 7 octobre, il a reçu un démenti sanglant.
Netanyahou est personnellement responsable du massacre commis par le Hamas :
– Il a fait une confiance inconsidérée à sa barrière sécurisée, en négligeant les alertes remontées par les services secrets.
– Il a dégarni la défense de la frontière sud d’Israël la veille de l’attaque en envoyant plusieurs unités militaires en Cisjordanie pour complaire à ses amis suprémacistes.
– Il a contribué à démobiliser l’armée en créant un climat délétère dans le pays en s’attaquant à la Cour Suprême, tout cela pour permettre à ses amis suprémacistes de rester au pouvoir malgré les poursuites judiciaires dont ils faisaient l’objet.
Les israéliens ont payé très cher le fait d’avoir confié leur destin à un escroc.
Les occidentaux ont eux aussi une lourde part de responsabilité dans la dérive qui a aboutit à l’attaque du 7 octobre.
Ils ont beau jeu aujourd’hui de brandir la solution à deux états : pendant des années, ils ont laissé Israël détruire la continuité territoriale d’un éventuel état palestinien en multipliant les colonies dans les territoires occupés ; ils l’ont laissé s’y livrer à une épuration ethnique à bas bruit (expulsions, expropriations, destruction de logements, harcèlement de la population …).
– A cet égard, la responsabilité des États-Unis est écrasante : ils avaient les moyens de ramener Israël à la raison, car ils financent et équipent massivement son armée (3,8 milliards de dollars par an). Israël ne peut pas faire la guerre sans leur aide.
– L’Europe de son côté est restée passive face à la dégradation de la situation en Cisjordanie, alors qu’elle est l’un des principaux bailleurs de fonds de l’Autorité Palestinienne.
Aujourd’hui, Israël est dans une impasse, malgré sa puissance militaire, ou plutôt à cause d’elle. Il pilonne Gaza sans plan précis, en affichant deux objectifs antinomiques : détruire le Hamas et sauver les otages. Il n’atteindra ni l’un ni l’autre.
Tsahal poursuit des fantômes dans les tunnels de Gaza. Le Hamas n’est pas une armée conventionnelle : il n’a ni centre logistique, ni poste de commandement, ni artillerie, ni blindés … Rien qui puisse constituer une cible. Ses militants agissent en petits groupes autonomes ; ils sont équipés d’armes légères et se fondent dans la population après chaque action.
Israël se moque du monde quand il prétend détruire les infrastructures du Hamas : il ne fait que réduire les immeubles de Gaza en poussière en tuant leurs habitants. Il tue dix civils pour un combattant, et quand il en tue un, il en fabrique deux par la haine qu’il suscite. Israël a surtout réussi jusqu’à présent à dresser l’opinion internationale contre lui, au point de faire oublier l’horreur des crimes du Hamas.
Face à l’abime ouvert par l’attaque du Hamas, il n’y a pas d’autre solution aujourd’hui que d’imposer un arrêt immédiat des combats et d’ouvrir des négociations pour créer un état palestinien.
(1) L’extrême droite israélienne n’a jamais accepté les accords d’Oslo, au point de faire assassiner Yitzhak Rabin en 1995. Son projet politique de « grand Israël » s’inscrit en miroir de celui du Hamas.
Il existe en Israël, à Gaza et en Cisjordanie des gens lucides convaincus que la solution à deux états est la seule permettant de résoudre le conflit. Du côté israélien, On peut citer par exemple Elie Barnavi, ancien ambassadeur d’Israël en France (cf son interview sur France Inter le 21 novembre 2023), et du côté palestinien, Elias Sanbar, ancien ambassadeur de la Palestine auprès de l’UNESCO (cf son interview sur France Inter le 15 décembre 2023).