Europe : quitte ou double ?

Ces dernières semaines, les européens ont perdu quelques illusions sur la marche du Monde. Malheureusement pour eux, ils ne sont pas au bout de leur peine.

En Ukraine, leur projet de déployer des troupes pour offrir des garanties de sécurité à Kiev a peu de chance d’aboutir, faute d’une possibilité de réassurance auprès de l’armée américaine. Trump ne veut pas d’un tel dispositif, et pour cause : il a déjà souscrit aux objectifs de guerre de Poutine.

Concernant l’Europe, Trump est sur la même ligne que Poutine : il veut démanteler l’UE, car il considère qu’elle entrave l’accès des entreprises américaines au marché européen. Il va laisser les mains libres à Poutine dans sa guerre « civilisationnelle », lui-même se chargeant d’attaquer l’UE sur le plan économique, tout en favorisant le travail de sape mené en interne par l’extrême-droite.

Les européens devraient se préoccuper par ailleurs de leur « autonomie stratégique » vis à vis des États-Unis. Ils dépendent de l’armée américaine en matière de renseignements, de commandement, de logistique, et ont besoin de son autorisation pour utiliser certains armements. En cas de conflit avec la Russie, ils seront à la merci de Trump (c’est la raison pour laquelle les ukrainiens demandent aujourd’hui un cessez-le-feu).

Enfin, il y a peu de chance que Poutine accepte de négocier un véritable plan de paix. Lors de son allocution du 5 mars, Emmanuel Macron a évoqué une montée en puissance impressionnante de l’armée russe : un budget militaire porté à 40% du PIB ; la mise en service prochaine de milliers de blindés et le recrutement de 300 000 soldats. Si Poutine mobilise tous ces moyens, ce n’est pas pour rester l’arme au pied.

Dans ces conditions, que peuvent attendre les européens des tractations en cours ? Au mieux, un cessez-le-feu rapide pour permettre à l’armée ukrainienne de souffler, et le maintien d’un régime démocratique à Kiev. Si ces objectifs sont atteints, ils pourront décemment réclamer le prix Nobel de la paix pour Trump.

L’Union Européenne va connaitre les deux années les plus critiques de son existence. Jusqu’en novembre 2026 (date des midterms), Poutine va bénéficier de l’alignement des planètes : en face de lui, des états désarmés ; à Washington, un allié tout puissant. Les européens vont avoir du mal à le dissuader d’avancer en Moldavie ou dans les pays baltes.

Ce serait en tout cas une grave erreur de leur part de lâcher l’Ukraine. son armée est solide et expérimentée ; elle fixe l’essentiel des forces russes. Les européens ne peuvent pas se passer d’elle pour assurer leur défense.

Compte tenu de l’urgence, les états européens décidés à faire front, l’Allemagne, la Pologne, la France, les pays nordiques, l’Angleterre vont devoir avancer vite, dans et en dehors de l’UE, dans et en dehors de l’OTAN, en s’affranchissant des pesanteurs politiques, économiques et militaires.

A quelque chose malheur est bon : peut être naîtra-t-il de cette crise une Europe digne de ce nom. Si Macron a rêvé un jour de se couler dans la peau d’un Churchill ou d’un De Gaulle, il doit être satisfait : il va enfin pouvoir réaliser son rêve.

Disneyland

Le 28 janvier 2020, Donald Trump a présenté le « plan de paix » américain pour le Proche orient devant un Netanyahou hilare. « Bibi » avait raison de se fendre la poire, car ce plan est une véritable farce.

Il prévoit un « état » palestinien constitué de deux bantoustans reliés par un train souterrain à grande vitesse (c’est le côté le plus fun du plan). Les israéliens garderont toutes leurs colonies en Cisjordanie. Les lambeaux de territoires concédés aux palestiniens seront reliés entre eux par des tunnels ou des viaducs (pour ne pas rompre la continuité territoriale d’Israël).

Les israéliens récupèreront la vallée du Jourdain. En échange, ils offriront aux palestiniens deux enclaves dans le désert du Néguev (ils pourront y organiser des courses de chameaux).

Heureux palestiniens ! Ils auront le sentiment de vivre dans un parc d’attraction tout en étant débarrassés des corvées administratives : pas d’espace aérien ni de port de commerce à gérer ; pas de poste frontière avec la Jordanie (la Cisjordanie palestinienne sera complètement enclavée dans Israël). Même les nappes phréatiques situées sous les colonies juives appartiendront aux israéliens.

Le problème du partage de Jérusalem est résolu : la partie arabe de la ville sera annexée par Israël ; Jérusalem, dont l’intégrité sera ainsi préservée, sera confirmée dans son rôle de capitale de l’état hébreux (les palestiniens pourront installer leur administration à Abou Dis, un quartier à l’est de la ville, aujourd’hui abandonné).

Bien sûr, la sécurité, qui est une chose sérieuse, restera l’affaire des israéliens. L’état palestinien sera totalement démilitarisé et Israël pourra intervenir partout où il le jugera bon.

Rien d’étonnant en définitive que Trump ait proposé un tel plan : on y retrouve l’influence de ses trois maîtres à penser : David Crockett (1), Walt Disney et Fritz Todt (2).


(1) pour sa solution du problème indien


(2) constructeur du mur de l’Atlantique