« Ce n’est pas une bonne nouvelle (…) qu’une candidate qui effectivement dans les enquêtes d’opinion reçoit le soutien d’une partie importante de l’opinion publique en France soit empêchée de se présenter par une décision de justice ». Xavier Bellamy (député LR européen, BFMTV le 1er avril 2025).
La droite française affectionne les dirigeants à la probité douteuse : Chirac, qui a longtemps vécu aux crochets de la ville de Paris ; Sarkozy, multi-condamné ; Fillon, l’adepte des emplois fictifs et des jetons de présence dans des filiales de Gazprom ; Wauquiez, qui fait payer ses frais de bouche à la Région Auvergne-Rhône-Alpes… Il est logique que les responsables de LR « soient troublés » par la condamnation de Marine le Pen dans l’affaire des assistants parlementaires européens.
Parmi les sanctions infligées à la patronne du RN, c’est bizarrement la peine d’inéligibilité immédiatement exécutoire qui a le plus choqué, alors que sa condamnation à deux ans de prison ferme est tout aussi rédhibitoire : imagine-t-on une Présidente de la République arborant un bracelet électronique ?
Peu importe en définitive la décision qui sera prise par les juges en appel. Le fait d’avoir organisé un système de détournement de fonds publics (1) interdit à Marine le Pen d’exercer quelque mandat électif que ce soit : c’est une question de morale politique plus que de justice.
La campagne menée par l’extrême droite contre « la tyrannie des juges » est grotesque. Si les juges ont du pouvoir, c’est uniquement sur ceux qui ont commis un délit ou un crime. Autrement dit, si le FN n’avait pas escroqué le Parlement Européen, Marine le Pen ne serait pas privée d’élection.
Les juges n’écrivent pas le droit. Ils ne font qu’appliquer les sanctions prévues par le législateur (rappelons que la députée Marine le Pen réclamait il y a peu l’inéligibilité à vie pour les politiciens coupables de délit financier).
La démocratie ne se résume pas à la seule expression de la volonté du peuple, comme le prétendent les démagogues de tout poil ; elle inclut aussi l’ensemble des règles, lois et institutions dont s’est dotée la nation pour protéger les individus, gouverner la société et assurer la cohésion sociale. La démocratie, c’est d’abord le respect de l’état de droit. Dans ce cadre, le pouvoir judiciaire est aussi légitime que le pouvoir législatif et exécutif, même s’il ne tire pas sa légitimité des urnes. Ce n’est pas un hasard si l’extrême droite s’en prend aux juges chaque fois qu elle accède au pouvoir : en Hongrie, en Italie, aux États-Unis… Les juges constituent le garde-fou de la démocratie.
Dans ce contexte, les attaques récurrentes des responsables de LR contre l’état de droit (2) n’augure rien de bon. Idéologiquement, on ne voit pas ce qui les sépare aujourd’hui de l’extrême droite. Ne nous réjouissons pas trop vite de l’élimination de Marine le Pen : elle peut tout aussi bien ouvrir la voie à une alliance LR – RN pour 2027…
En définitive, la situation n’est pas si catastrophique que ça pour le RN : il a perdu sa candidate, mais il a gagné un bel ami.
(1) Le FN a fait financer par le Parlement Européen 4 assistants parlementaires qui travaillaient en fait pour le parti. Parmi ceux-ci, figuraient le garde du corps de Marine le Pen et sa chef de cabinet (celle-ci a avoué n’avoir passé que 12 heures au Parlement Européen entre octobre 2014 et aout 2015). Les juges ont estimé à 4 millions d’euros les fonds publics ainsi détournés.
(2) c.f. Bruno Retailleau le 30/09/2024 : « L’état de droit, ce n’est pas intangible, ni sacré ».