Lettre à Eric Zemmour

Eric,

Au lieu de te contenter d’escroquer tes lecteurs, comme je te le suggérais amicalement dans un précédent article, tu as jugé bon de participer à l’élection présidentielle pour de vrai.

Pourquoi t’être ainsi mis en danger ? Pas physiquement bien sûr (la Macronie veille sur toi, tu lui es trop utile), mais psychologiquement. Falsifier l’Histoire, à la longue, altère le jugement.

J’ai visionné ta vidéo de candidature. Tu souffres manifestement du complexe de Naboléon : tu te prends pour de Gaulle. Eric, les habits du Général sont trop grands pour toi, tu ne vas pas sauver la France ! Tout le monde le sait : en juin 1940, tu serais allé à Canossa, pas à Londres.

Tu veux empêcher le grand remplacement ? Mais il a déjà eu lieu ! Ce sont des noirs qui vident tes poubelles et des arabes qui remplissent ton caddy. Ne te mets pas (Charles) Martel en tête, tu n’es pas Isabelle la Catholique, tu n’es qu’Eric le Cathodique.

Tu as fondé ton parti, comme naguère ce pauvre Henriot. Malheureux ! Tu vas attirer tous les tordus qui veulent reconstituer la LVF. Ils vont effrayer le bourgeois et énerver les juges (comme si tu n’avais déjà pas assez de soucis avec eux).

Sais-tu à quel point la politique est ennuyeuse ?

Tu vas devoir faire le tour de tes électeurs : ingurgiter des tielles à Sète, des sardines à Saint Jean de Luz, des kouign amann à Douarnenez, des rollmops à Strasbourg …

Tu devras connaître par cœur le prix de la chocolatine et du kilo de gariguettes.

Tu vas devoir côtoyer le peuple (pas celui de Michelet, celui du faubourg Saint Denis).

Tu vas vivre dans la hantise que le Canard Enchaîné titre sur tes mains baladeuses ou tes amnésies fiscales.

Eric, tu a commis l’erreur grossière que doit éviter tout charlatan : tu a pris tes rodomontades au sérieux.


Zemmour affole la bête

Eric Zemmour serait-il le dernier situationniste ? Il est en train de ridiculiser la « démocratie bourgeoise » en détournant l’élection présidentielle à des fins crapuleuses, pour fourguer un manifeste nationaliste écrit à la va-vite (1).

C’est en tout cas un sacré performeur : Il monopolise la scène politique depuis deux mois avec seulement l’aide d’une poignée de militants identitaires et quelques millions d’euros avancés par de discrets philanthropes. Depuis son entrée en non-campagne, il dicte son agenda à la classe politique française, alors qu’il n’est même pas candidat à la présidentielle.

Mais sa vraie fausse candidature ne relève pas du seul marketing : elle s’inscrit dans une démarche politique murement réfléchie.

Beaucoup, à l’extrême droite, ne croient pas dans les chances de Marine Le Pen. Ils pensent que le Rassemblement National ne pourra jamais arriver au pouvoir seul. Ils rêvent de constituer une grande coalition « populiste » regroupant conservateurs, anti-européens, identitaires et souverainistes.

Cette stratégie n’est pas absurde. La droite illibérale est au pouvoir en Pologne, en Hongrie, en Slovénie. Alors, pourquoi pas en France ? L’extrême droite et la droite « dure » font largement jeu égal avec les tenants du libéralisme, d’autant plus que la gauche est définitivement hors jeu, avec moins de 30% de l’électorat.

Pour mettre en oeuvre cette stratégie d’alliance, il faut renvoyer Marine Le Pen à ses chats, faire sauter les derniers verrous moraux à droite et donner aux électeurs « patriotes » un socle idéologique commun. Eric Zemmour s’y emploie en orchestrant une grande catharsis identitaire. Il prépare la mise à feu du troisième étage de la fusée Le Pen, la mise sur orbite de Marion Maréchal Pétain.


(1) A peine entré en politique, Zemmour innove : c’est le premier politicien à vendre ses tracts.

Eric Zemmour, le troll de la République

D’une intelligence moyenne (il a raté deux fois le concours d’entrée à l’ENA), dépourvu de tout sens moral et doté d’une méchanceté hors du commun, Eric Zemmour ne pouvait être que chroniqueur vedette sur CNEWS.

Est-ce pour obéir au marché ou par simple penchant naturel ? Il s’est spécialisé dans le nationalisme rance et l’apologie de la guerre civile (de comptoir).

Il n’est pas le seul à rouler pour ces nobles causes, et en côte, il a parfois du mal à doubler le gros cul concurrent (Bigard, vins et spiritueux : 120 à jeun – 20 chargé).

Car il manque de reprise : il n’a pas dans l’insulte la fulgurance de Céline. Quand il traite les mineurs étrangers de «voleurs, assassins, … violeurs, c’est tout ce qu’ils sont», on le sent déjà au taquet. Eric Zemmour, c’est plutôt le polémiste du dernier kilomètre, le petit épicier de la haine ordinaire.

Tout ceci l’amène à prendre des risques inconsidérés : il a déjà franchi plusieurs fois la ligne rouge sous le nez des juges.

Certes, il a un business plan solide (une émission quotidienne à « télé mille collines » et un bouquin tous les deux ans), mais il n’est pas assuré de la pérennité médiatique pour autant …

… Sauf à participer au cirque électoral.