Plaidoyer pour un humaniste

23 anciens ministres socialistes de François Mitterrand ont écrit au premier secrétaire du P. S. pour protester contre l’accusation de complicité avec les génocidaires rwandais portée par Raphaël Glucksmann contre l’ancien président lors de son meeting de Toulouse (1).

Cette lettre est assez ridicule, car l’implication de la France dans le génocide ne fait plus aucun doute aujourd’hui. En 1994, le gouvernement français était informé des projets des génocidaires ; il n’a rien fait pour arrêter les massacres alors qu’il disposait de troupes sur place ; après l’offensive du FPR (2), il a protégé les génocidaires et leur a livré des armes, tout cela sous couvert de l’opération « Turquoise », qualifiée pour l’occasion – avec un sacré aplomb – de « mission humanitaire » ( cf le livre de Guillaume ANSEL : Ruanda, la fin du silence – témoignage d’un officier français). Même si la France était dirigée à l’époque par un gouvernement de cohabitation, les affaires étrangères et la défense restaient sous le contrôle direct du Président. La responsabilité de François Mitterrand est donc totale.

S’ils voulaient vraiment défendre sa mémoire, les signataires de la lettre auraient dû plutôt expliquer pourquoi ce grand résistant a protégé René Bousquet, ancien Secrétaire général de la police de Vichy et organisateur de la rafle du Vel d’Hiv ; ou justifier l’action de François Mitterrand en tant que ministre de l’intérieur sous la 4e République, quand il envoyait les militants du FLN algériens à la guillotine ; ou encore légitimer l’existence d’une « cellule antiterroriste » à l’Elysée dans les années 80 pour surveiller les ennemis personnels du Président …

Moralité : dans les réunions de famille, il vaut mieux éviter d’évoquer certains souvenirs douloureux.


(1) D’après « Le Canard Enchaîné » du 15/05/2019. Figurent parmi les signataires : Michel Charasse, Jean-Louis Bianco, Edith Cresson, Elisabeth Guigou, Jean Glavany, Paul Quilès, Roland Dumas, Hubert Védrine.


(2) Front Patriotique Rwandais : mouvement armé des tutsis en exil.