Entre 40 000 et 50 000 morts et disparus (dont 70% de femmes et d’enfants), les hôpitaux pris pour cible, la population privée d’eau, de soins et de nourriture, de nombreux humanitaires et journalistes tués : Benyamin Netanyahou (« Bibi » pour ses admirateurs) accumule les crimes de guerre à Gaza.
Plus personne, même en Israël, ne croit qu’il veut sauver les otages israéliens encore en vie ; aucun expert militaire, même en Israël, ne pense que Tsahal peut liquider le Hamas en bombardant massivement Gaza. Alors pourquoi Benyamin Netanyahou s’acharne-t-il ?
D’abord, par vengeance et calcul personnel. Il veut faire payer collectivement aux palestiniens l’humiliation qu’il a subie le 7 octobre et faire oublier aux israéliens sa responsabilité dans le massacre commis par le Hamas. Il a intérêt par ailleurs à prolonger la guerre pour retarder le moment où il devra comparaître devant les juges.
Mais la principale raison de la poursuite de la guerre n’est pas là. En réalité, Netanyahou et ses alliés suprémacistes se sont engagés dans une guerre totale : ils ont entrepris de raser les infrastructures de Gaza pour rendre l’enclave inhabitable et en chasser définitivement les palestiniens. Ils veulent profiter de la lutte contre le Hamas pour mettre en œuvre leur projet de « Grand Israël ».
Les dirigeants occidentaux ne font rien pour s’opposer à ce plan, comme ils évitent soigneusement de parler de crimes de guerre. Ils préfèrent faire étalage de leur impuissance dans les médias …
Les États-Unis pourraient pourtant faire cesser les bombardements israéliens en menaçant Netanyahou d’arrêter de lui fournir des armes. Le double jeu de Biden est pathétique : tout en livrant à Tsahal les bombes qui écrasent Gaza, il feint de venir au secours de la population palestinienne en faisant construire une jetée maritime pour acheminer l’aide humanitaire qu’Israël refuse de laisser passer.
Notre Président de son côté, bien qu’adepte des « disruptions », s’interdit tout geste fort, comme par exemple rappeler son ambassadeur.
Cette complicité avec Israël, l’Occident va la payer très cher. Nos dirigeants n’imaginent pas la haine qu’ils suscitent au sein des peuples du « Sud global ». Cette haine se manifestera demain sur des terrains ou pour des enjeux bien plus vitaux que le maintien d’un escroc au pouvoir à Jérusalem.
Chaque jour qui passe, israéliens et palestiniens s’enfoncent dans l’abîme. Les israéliens sont aussi victimes de cette fuite en avant. Comment vont-ils pouvoir vivre demain avec les morts de Gaza sur la conscience ? Quelle légitimité aura Israël à l’avenir, en particulier auprès des opinions publiques occidentales ? Mis au ban des nations, l’état hébreu va se retrouver seul face à un ennemi toujours plus virulent, toujours plus puissant, et toujours aussi déterminé.
N’en déplaise au Hamas et aux suprémacistes juifs, le sort des israéliens et des palestiniens est intimement lié. Aucun de ces deux peuples ne pourra vivre en paix tant que l’autre ne sera pas en sécurité.
Pour arrêter le massacre, il faudrait imposer à Israël un cessez le feu en contrepartie du désarmement du Hamas et du placement de Gaza sous contrôle international, avec ouverture de négociations immédiates pour créer un état palestinien souverain en Cisjordanie et à Gaza. C’est aux États-Unis et à leurs alliés arabes qu’il incombe de mettre en œuvre un plan de ce type : eux seuls sont en mesure de faire plier Israël et le Hamas.
Le défi est immense, mais c’est dans ce genre de situation qu’on mesure l’étoffe d’un chef d’état : le premier dégât collatéral de la guerre de Gaza risque d’être l’échec politique de Biden… Les occidentaux n’ont pas encore pris toute la mesure du pouvoir de nuisance de Netanyahou.
Assassinats 2.0
Le journal « Haaretz » et les médias israéliens en ligne « +972 » et « Local call » ont publié plusieurs articles sur l’automatisation de la traque du Hamas par Israël.
Tsahal utilise un logiciel nommé « Lavender » pour générer des cibles. En s’appuyant sur les données recueillies sur plusieurs centaines de militants avérés du Hamas, le logiciel identifie les personnes présentant un profil similaire et les désigne aux pilotes de chasse ou de drones, ceux-ci ne disposant que de quelques secondes pour valider le choix du logiciel.
Le spectre des personnes désignées par « Lavender » est très large et peut inclure des individus n’ayant qu’un lointain rapports avec le Hamas : fonctionnaires, policiers … (jusqu’à 37 000 cibles ont ainsi été identifiées).
Tsahal utilise un autre logiciel appelé « Évangile » pour cibler les bâtiments, en particulier le domicile des militants du Hamas, sans égard pour leurs proches.
Les règles d’engagement de l’armée israélienne sont très souples : Tsahal admet 20 à 30 victimes collatérales pour une cible de bas niveau et jusqu’à 300 pour un cadre important du Hamas.
L’armée israélienne aurait défini par ailleurs des « kill zones » dans tout le territoire palestinien : des secteurs aux frontières invisibles à proximité des lieux de déploiement des troupes, dans lesquels les hommes en age de combattre sont systématiquement abattus.