Eric Zemmour serait-il le dernier situationniste ? Il est en train de ridiculiser la « démocratie bourgeoise » en détournant l’élection présidentielle à des fins crapuleuses, pour fourguer un manifeste nationaliste écrit à la va-vite (1).
C’est en tout cas un sacré performeur : Il monopolise la scène politique depuis deux mois avec seulement l’aide d’une poignée de militants identitaires et quelques millions d’euros avancés par de discrets philanthropes. Depuis son entrée en non-campagne, il dicte son agenda à la classe politique française, alors qu’il n’est même pas candidat à la présidentielle.
Mais sa vraie fausse candidature ne relève pas du seul marketing : elle s’inscrit dans une démarche politique murement réfléchie.
Beaucoup, à l’extrême droite, ne croient pas dans les chances de Marine Le Pen. Ils pensent que le Rassemblement National ne pourra jamais arriver au pouvoir seul. Ils rêvent de constituer une grande coalition « populiste » regroupant conservateurs, anti-européens, identitaires et souverainistes.
Cette stratégie n’est pas absurde. La droite illibérale est au pouvoir en Pologne, en Hongrie, en Slovénie. Alors, pourquoi pas en France ? L’extrême droite et la droite « dure » font largement jeu égal avec les tenants du libéralisme, d’autant plus que la gauche est définitivement hors jeu, avec moins de 30% de l’électorat.
Pour mettre en oeuvre cette stratégie d’alliance, il faut renvoyer Marine Le Pen à ses chats, faire sauter les derniers verrous moraux à droite et donner aux électeurs « patriotes » un socle idéologique commun. Eric Zemmour s’y emploie en orchestrant une grande catharsis identitaire. Il prépare la mise à feu du troisième étage de la fusée Le Pen, la mise sur orbite de Marion Maréchal Pétain.
(1) A peine entré en politique, Zemmour innove : c’est le premier politicien à vendre ses tracts.