Une histoire de chat

Un humoriste soviétique avait comparé l’édification du communisme à la recherche d’un chat noir, les yeux bandés, dans une pièce obscure alors que le chat ne s’y trouve pas. C’est exactement l’exercice auquel se livrent les européens en Ukraine depuis plusieurs mois.

Ils essaient désespérément de trouver une issue au conflit sur la base d’un compromis territorial. Le souci, c’est que Poutine est dans une tout autre logique : le Donbass l’intéresse bien sûr, mais il voudrait surtout revenir à l’Ukraine d’avant Maïdan. Il n’acceptera jamais de négocier avec le gouvernement ukrainien actuel, car ce serait reconnaître sa légitimité. La paix n’est envisageable pour lui qu’après la reddition de l’armée ukrainienne et le départ de Zelenski.

Les européens s’acharnent à obtenir le soutien de Trump, alors que celui-ci est l’obligé de Poutine et a clairement pris son parti. La disparition de la nation ukrainienne « n’est pas un problème » pour lui ; ni celle de l’Europe d’ailleurs. Il est déjà dans le « jour d’après » et attend avec impatience de pouvoir négocier de juteux contrats avec la Russie.

Le 10 septembre, la Russie a envoyé 19 drones survoler la Pologne. L’OTAN n’a pas tenté de les abattre, ce qui aurait constitué un avertissement sans frais adressé à Poutine ; les gouvernements européens se sont contentés de protester et se sont livré à quelques gesticulations militaires après coup. C’est ce type de reculades qui rapproche dangereusement l’Europe d’un conflit généralisé, car elles incitent Poutine à aller toujours plus loin (1).

Il est illusoire d’espérer une paix rapide en Ukraine. Poutine a transformé son pays en machine de guerre ; pour rester au pouvoir, il doit le maintenir dans un état de guerre permanent. Les européens doivent se faire à l’idée que le conflit va durer et qu’ils vont devoir soutenir l’Ukraine longtemps encore, en espérant que l’enlisement de l’armée russe dans le Donbass provoque en retour la chute de Poutine. Ils n’ont pas d’autre choix : l’armée ukrainienne est leur seul rempart contre la Russie ; son effondrement ouvrirait les portes de l’Europe à Poutine et provoquerait immanquablement la dislocation de l’Union Européenne.


(1) En novembre 2015, en plein conflit syrien, la Turquie a abattu un avion de chasse russe qui avait violé son espace aérien… Erdogan est un des rares dirigeants occidentaux que Poutine prend au sérieux.