Délit de blasphème à France Inter

« Netanyahou … une sorte de nazi, mais sans prépuce. »

Cette « plaisanterie » a valu à Guillaume Meurice un avertissement de Sibyle Veil, la patronne de Radio France, et une poursuite devant le tribunal de Nanterre par l’Organisation Juive Européenne pour « provocation à la violence et à la haine antisémite ».

Le 18 avril, la plainte a été classée sans suite par le parquet. Fin avril, Guillaume Meurice a réitéré son propos, considérant que la Justice l’autorisait à le faire. Mal lui en a pris ! La direction de Radio France l’a exclu de l’antenne le 2 mai et l’a convoqué devant une commission disciplinaire en vue de son licenciement.

La phrase incriminée n’est pas en soi antisémite. Guillaume Meurice ne parle pas des juifs en général, mais de l’homme qui depuis six mois accumule les morts à Gaza. Il dit simplement en filigrane que la Shoah ne peut servir à légitimer les crimes d’Israël.

Le propos est polémique, mais n’a rien à voir avec les « boutades » d’un Le Pen ou d’un Dieudonné. Il n’est pas si excessif que ça d’ailleurs : le 20 mai, le procureur de la Cour pénale internationale a demandé un mandat d’arrêt contre Benyamin Netanyahou : mais quand l’humoriste montre le crime, l’imbécile regarde le doigt …

Le seul reproche que l’on puisse faire à Guillaume Meurice, ainsi qu’à sa complice Charline Vanhoenacker, c’est le caractère partisan de leur humour : considérer qu’il n’y a de bêtise qu’à droite, c’est aussi une forme de bêtise. Personne cependant n’est obligé d’assister à leur meeting hebdomadaire le dimanche sur France Inter.

Il n’y a pas de problème Meurice à Radio France : il y a un problème Veil. Quand on confie une émission « d’humour » à Charline Vanhoenacker, pour des raisons d’audimat ou pour avoir une caution de gauche, on assume les conséquences de son choix. Au-delà du psychodrame médiatique, l’affaire Meurice montre combien les responsables de l’audiovisuel public sont conformistes et … lâches.



Fin du sketch …

Guillaume Meurice a été licencié par Radio France le 11 juin … Il l’a annoncé lui-même sur X (ex Twitter) en adressant le message « Cette victoire, c’est avant tout la vôtre ! » à plusieurs personnalités d’extrême-droite (Marine Le Pen, Eric Zemmour, Pascal Praud…), ainsi qu’à la rabbine Delphine Horvilleur. Pourquoi elle ? Parce qu’elle est juive ? Il est temps que Guillaume Meurice passe à autre chose.

Réseaux sociaux : le bal des tartuffes

Après l’envahissement du Capitole le 6 janvier, Facebook et Twitter ont pris une décision qui a sidéré le monde : ils ont exclu le président des Etats-Unis de leurs plates-formes numériques, comme un vulgaire trublion.

Ce geste spectaculaire a mis en lumière un paradoxe : les réseaux sociaux sont perçus comme des services publics, du fait de leur universalité et de leur gratuité, alors qu’ils n’ont qu’une vocation commerciale et qu’ils n’offrent aucune garantie en matière de liberté d’expression.

Les responsables de cette situation sont les pouvoirs publics qui ont livré internet à des sociétés privées sans contre-partie, au nom du libéralisme économique, considérant que l’information n’était qu’une simple marchandise. Ils ont beau jeu aujourd’hui d’exiger des GAFA qu’ils respectent une éthique dont ils ne se sont jamais souciés jusqu’à présent.

Au delà du discours, vouloir réguler les réseaux sociaux existants relève du vœu pieux.

Matériellement, il est impossible de modérer les échanges en temps réel sur les plates-formes numériques, compte tenu du volume d’informations à traiter. Cela reviendrait par ailleurs à instaurer une censure, ce qui est inacceptable dans les pays démocratiques.

Les réseaux sociaux ne peuvent être régulés qu’a posteriori, sur la base des conditions générales d’utilisation (CGU) soumises à leurs utilisateurs.

On peut demander aux exploitants d’édicter toutes les règles de bonne conduite que l’on veut : ils ne les feront pas respecter, en raison de la complexité des procédures à mettre en oeuvre et du coût que cela représente.

Hormis les Etats-Unis, les états disposent par ailleurs de peu de moyens de pression sur les GAFA, car ceux-ci n’ont de compte à rendre qu’à la justice américaine.

Enfin, même quand les exploitants des réseaux sociaux jouent le jeu, les contrevenants sont difficilement sanctionnables en raison de l’anonymat d’internet.


La régulation des échanges n’est pas le seul problème posé par les réseaux sociaux. Les GAFA collectent et commercialisent les données de leurs utilisateurs en contrepartie de la gratuité de leurs services. Cette exploitation des données personnelles constitue une violation de la vie privée des internautes. Il est impossible d’interdire cette pratique, car cela reviendrait à exiger des GAFA qu’ils changent de modèle économique.


Dans ces conditions, il serait plus efficace, pour instaurer un véritable espace de liberté sur internet, de créer de nouvelles plates-formes numériques alternatives, non marchandes.

Ces plates-formes devraient être financées et contrôlées par les pouvoirs publics pour offrir toutes les garanties en matière de liberté d’expression et de protection des données. Il va de soi que l’anonymat devrait être levé sur ces réseaux, au moins lors de l’inscription, afin d’en permettre un contrôle efficace.

L’Union Européenne serait légitime pour porter un tel projet. Elle en a les moyens financiers et juridiques. Elle pourrait ainsi conforter son pouvoir d’influence dans le Monde (soft power) et s’imposer comme un acteur majeur du numérique ; mais il faudrait pour cela que ses dirigeants acceptent de défendre les valeurs qu’ils professent.


Le terme GAFA est un acronyme construit à partir du nom des 4 géants du net : Google, Apple, Facebook, Amazon. Il est souvent utilisé dans un sens plus large, pour désigner les acteurs majeurs du numérique (outre les 4 déjà cités : Microsoft, Netflix, Airbnb, Tesla, Uber, Twitter, Alibaba … ). Dans cet article, il désigne plus particulièrement les sociétés exploitant des réseaux sociaux.