Le bilan de la répression du mouvement des gilets jaunes est effarant. Un mort (1) , 25 yeux crevés, 4 mains arrachées, plusieurs centaines de blessés, des milliers de manifestants placés en garde à vue. La France n’a pas connu un tel niveau de violence depuis 1968.
Prétendre, comme l’ont fait certains commentateurs, que la police n’a fait que répondre à la violence des manifestants est un mensonge. Les personnes mutilées l’ont été alors qu’il n’y avait pas d’affrontements. La violence de la police s’est exercée contre tous les manifestants sans discernement.
Elle est la conséquence des directives gouvernementales. La police a reçu la consigne de faire mal (d’où les matraquages et les gazages massifs) ; la justice de faire peur (d’où le recours aux gardes à vue de 48 heures). Chaque samedi, la police a ciblée quelques manifestants et les a embarqués pour les déferrer devant la justice. Au besoin, leurs dossiers ont été étoffés avec des faux témoignages de policiers. L’objectif était clair : dissuader les gilets jaunes de continuer à manifester.
D’une manière générale, le maintien de l’ordre passe en France par la création d’un rapport de force avec les manifestants : exhibition de cordons de CRS en rangs serrés, intimidations, voire, dans le cas des gilets jaunes, insultes proférées contre les manifestants (il est difficile de croire que des policiers puissent agir ainsi sans l’accord de leur hiérarchie). Surtout pas de dialogue avec « l’ennemi ». Cette stratégie d’affrontement est critiquée au sein même de la police.
Rappelons au passage que la France est un des rares pays d’Europe a utiliser des armes cataloguées comme armes de guerre pour le maintien de l’ordre. Cette situation a été dénoncée dans plusieurs instance internationales. Le gouvernement n’en a cure.
Quand les médias font état d’un cas de violence policière (suite en général à la publication d’une vidéo sur internet), Le gouvernement s’emploie à éviter que l’affaire n’arrive devant les tribunaux (en application de la « jurisprudence » Rémi Fraisse). Il y est parvenu jusqu’à présent : depuis un an, aucun policier n’a été poursuivi par la justice pour violence contre un manifestant.
Dans son entreprise d’obstruction, le gouvernement dispose de deux outils efficaces ; le Ministère public, qui par nature lui est inféodé, et l’IGPN (Inspection Générale de la Police Nationale) dont il use et abuse depuis un an.
Tous les procureurs ne sont pas aussi stupides que celui de Nice, qui a déclaré dans l’affaire Legay, « ne pas vouloir contredire le Président de la république ». La plupart agissent dans l’ombre, c’est à dire ne font rien.
L’IGPN est un service dépendant exclusivement du Ministère de l’Intérieur, donc aux ordres. ses « enquêtes » ont pour objectif d’éclairer les décisions de l’administration et n’ont aucune valeur juridique. Elles vont bien sûr dans le sens ou on leur demande d’aller, et servent à étayer la parole gouvernementale.
Après la mort de Steve Maia Caniço, par exemple, les « enquêteurs » de l’IGPN ont omis d’interroger des témoins importants et non pas fait auditer le téléphone de la victime (le premier ministre a essayé d’enterrer l’affaire en s’appuyant sur cette enquête bâclée, mais la ficelle était trop grosse).
En règle générale, les « enquêtes » de l’IGPN sont très longues, ce qui permet aux juges d’instruction compréhensifs (quand ils ont été saisis) de prononcer discrètement un non lieu plusieurs mois après les faits.
En France, la violence policière fait partie intégrante du maintien de l’ordre. Cautionnée par le pouvoir, ignorée par la justice, banalisée par les médias, elle a un caractère institutionnel.
(1) Zineb Redouane, atteinte à Marseille par une grenade alors qu’elle fermait les volets de son appartement.