Dites lui que je l’aime

texte autobiographique de
Clémentine Autain

2019

(Editeur : Grasset)

L’auteur

A force de militantisme groupusculaire, Clémentine Autain a acquis une certaine notoriété à la gauche de la Gauche. Membre de la direction de la « France Insoumise », elle a été élue en 2017 députée de la 11ème circonscription de la Seine-Saint-Denis. Elle est par ailleurs directrice de publication de la revue « Regards ».

Le livre

Dans « Dites lui que je l’aime » Clémentine Autain s’adresse à sa mère, la comédienne Dominique Laffin, morte en 1985 (Clémentine avait alors 12 ans).

Elle lui dit combien, enfant, elle s’est sentie abandonnée par une mère égoïste et fantasque, prisonnière de ses démons, incapable de s’occuper de sa fille.

Alors qu’elle s’est construite contre elle (au point de refuser pendant longtemps de voir ses films), Clémentine Autain a découvert, à la faveur d’une rencontre, que sa mère l’aimait profondément.

Partie à sa recherche dans les souvenirs de ceux qui l’ont connue, amis, voisine, amants, elle a découvert une jeune femme libre, attachante malgré ses fêlures, avec qui elle se sent aujourd’hui en raisonnance, en dépit des souffrances passées.

Commentaire

Clémentine Autain se livre beaucoup dans ce texte : c’est déjà une (belle) surprise ; les hommes – et femmes – politiques ne nous ont pas habitués à autant de transparence.

Par touches successives, en courts chapitres, Clémentine Autain évoque de façon émouvante, avec beaucoup de justesse, son enfance hors norme faite de solitude, d’attente, d’angoisse face à une mère solaire mais imprévisible. Elle montre comment son sentiment d’abandon s’est mué au fil du temps en colère contre la mère absente.

Son récit de la quête de sa mère, de la femme qu’elle fut, est très construit, malgré sa fluidité apparente : Clémentine Autain nous fait suivre de façon très subtile, sans nous le dire, un cheminement qui ressemble beaucoup à un parcours d’analyse.

L’âge aidant, nous sommes nombreux à nous engager peu ou prou dans une démarche similaire. A travers son histoire personnelle, Clémentine Autain nous renvoie à la notre.

En cela, elle a fait un beau travail d’écrivain. « Dites lui que je l’aime » est un petit bijou littéraire, jusque dans son écriture, à la fois simple et raffinée.

L’extrait

… Je venais d’avoir douze ans lorsque tu es morte, j’en ai quarante deux. Tu es partie il y a si longtemps que la haine s’est éteinte, évaporée avec les années. Sans doute ma colère s’est-elle simplement fracassée sur le mur de ton absence. Alors j’ai décidé de vivre avec ce mur qui s’est transformé en une sorte de mire de vieille télévision, un faux rien. Attachée à la distance qui s’est installée entre nous depuis ces trois décennies que tu n’es plus, je ne voulais pas être dérangée …


Françoise Sagan avait un fils nègre !

L’édition française vient de vivre un moment merveilleux : la conception par PMA d’un futur best-seller, un livre posthume de Françoise Sagan publié 15 ans après la mort de son auteur.

C’est le fils de Sagan, Denis Westhoff, qui a retrouvé l’embryon, « perdu dans les papiers (de succession), dans une montagne de papiers ». Le texte était « inachevé, incomplet… en état de jachère. Pas corrigé ». Denis Westhoff a rajouté « les mots qui manquaient », mis « des paragraphes à la bonne place » … Selon ses dires, le résultat concentre « toute l’écriture de (sa) mère, tout son caractère, tout son esprit, tout son talent, tout son humour et puis toute sa liberté, il a un très fort caractère saganesque » (1).

L’industrie du livre s’est mobilisée pour donner au roman l’audience qu’il méritait. Son éditeur l’a tiré à 80 000 exemplaires (en secret durant l’été pour « faire un coup éditorial » à la rentrée) . Les libraires, le réseau des critiques littéraires, les journaux, radios et télévisions ont été mobilisés pour la campagne de promotion. Le nouveau chef-d’œuvre de Sagan occupe aujourd’hui les têtes de gondole.

Ce grand moment d’édition nous console de l’enterrement précipité de l’auto-roman de Yann Moix (pourtant annoncé comme un Goncourt potentiel), suite à son euthanasie par les médias. Yann Moix est pourtant un ancien animateur télé : le monde du spectacle est vraiment versatile et cruel.

C’est à l’aune de ce type d’évènements qu’on mesure la richesse de la littérature française.


(1) Déclaration sur France Inter, le 18 septembre 2019


Jean d’Ormesson

Ecrivain précieux (France, fin du XXe siècle)

A la fin de son existence, Jean d’Ormesson enchantait les émissions littéraires à la télévision : il avait la légèreté d’un homme convaincu d’avoir vécu au delà du raisonnable, il savourait chaque minute comme un cadeau de la vie.

Dans ces émissions, il aimait s’entourer de jeunes femmes. Elles se pressaient autour de lui comme des lucioles autour d’une lampe basse consommation, heureuses de bénéficier de son rayonnement sans se brûler les ailes.

Jean d’Ormesson n’a pas toujours été aussi agréable. Il était un temps où, à la tête de la rédaction du Figaro, il ferraillait hargneusement contre un écrivain pompeux fourvoyé en politique (ou un politicien retors fourvoyé en littérature, c’est selon).

Jean d’Ormesson a beaucoup écrit au cours de sa longue carrière (c’est le risque, quand on vit longtemps et qu’on est dégagé de tout souci matériel) ; il a d’ailleurs continué à publier quelques temps après sa mort.

Sauf à être assurés de bénéficier de la même longévité, vous pouvez éviter de lire ses livres : ils sont assez insipides. Visionnez plutôt ses interviews en replay.


Louis-Ferdinand Céline

Humoriste français (1894 – 1961)

Louis-Ferdinand Céline a révolutionné l’humour français par sa créativité lexicale, son sens de la provocation, ses délires verbaux et son usage intensif de l’insulte. Il a ainsi puissamment contribué à ridiculiser les milieux antisémites de l’entre-deux-guerres.

Sous l’Occupation, il a fait de la lettre de délation un genre littéraire à part entière, reconnu et apprécié au niveau aryano-européen.

Son oeuvre majeure reste cependant « Papy fait de la résistance », un roman autobiographique où il évoque son action clandestine dans la France de Vichy.

Du fait de son immense talent, Louis-Ferdinand Céline occupe aujourd’hui une place de premier plan sur les étagères des intellectuels français.


Robert Brasillach

Ecrivain raté (1909 – 1945)

Il faut brûler certains morts si l’on veut éviter qu’ils reviennent. C’est le cas de Brasillach, que l’extrême droite voudrait ressusciter.

Dans sa jeunesse, Brasillach a surtout produit des textes mièvres et maniérés, froids comme une rue de Perpignan un jour de Tramontane. Homosexuel refoulé, il ne pouvait qu’être fasciste.

Sous l’occupation, il a changé radicalement de style, comme chacun sait : il a écrit des abjections. Mais à la Libération, il est resté en France. Il faut au moins lui reconnaître ce courage.

Condamné à mort, il a été fusillé ; pas pour ses idées, mais pour ses actes (à moins de considérer que les nazis ont assassiné 6 millions de juifs virtuels). C’est quand même dommage que De Gaulle ait refusé sa grâce, car Brasillach a écrit de beaux poèmes en prison. Peut-être serait-il devenu un bon écrivain s’il avait survécu …

Je pense à vous, vous qui rêviez,
Je pense à vous qui souffriez,
Dont aujourd’hui j’ai pris la place.
Si demain la vie est permise,
Les noms qui sur ces murs se brisent
Nous seront-ils nos mots de passe ?

(« Les noms sur les murs », Fresnes, 29 octobre 1944)